Lire ce que l’on aime et en parler cela tombe sous le sens. Mais que faire lorsque nous avons adoré un livre mais que le conseiller à d’autres relève presque de l’impossible ? C’est la question que Charlotte a posé aux membres du Club de lecture et que nous vous posons à vous aujourd’hui !
Que ce soit par honte ou par certitude que ce livre ne plaira à personne, on vous laisse lire les confidences de ces lectrices qui dévoilent tout…
Source de l’image : Lucy Williams
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Chroniqueuse | Livre | Avis |
Anne-Laure | Survivre à l’enfer – Sandrine Rochel | Après avoir longuement réfléchi aux raisons possibles pour lesquelles je ne recommanderais pas un livre, que j’ai pourtant adoré, je n’en voyais qu’une : la honte d’une lecture qu’on n’assume pas. Mais non, en fait il y a aussi la lourdeur de mots, si difficiles à accepter, qu’on ne souhaite pas les faire lire aux autres. Et pour cela, quelle thématique pire que l’inceste peut y prétendre ? Survivre à l’enfer de Sandrine Rochel m’est alors apparu comme une évidence. Cette femme a fait des abus sexuels, subis au quotidien pendant son enfance, un véritable combat. Aujourd’hui à la tête d’une association d’aide aux victimes, elle a trouvé le courage de revenir sur son passé pour en écrire un livre. Contrairement à d’autres récits que j’ai pu lire sur le sujet, l’auteur ne cherche pas à nous épargner et n’hésite pas à utiliser des mots bruts, pour décrire les horreurs que lui a imposé son père de ses 6 à 17 ans. On assiste alors à un spectacle de marionnettes insoutenable, dont Sandrine Rochel nous décrit les coulisses à travers ses ressentis. Tout au long du récit, elle va décortiquer les mécanismes incestueux qui se mettent en place dans la sphère intra-familiale, à travers la retranscription de ses souvenirs et la compréhension qu’elle en a. Elle décrit également le long cheminement qui a permis de la mener jusqu’à une dénonciation des actes et à un procès public contre ses parents. Mais son combat central, que l’on retrouve tout au long des mots qu’elle nous livre, est avant tout la lutte contre la honte, cette barrière terrible qui empêche bon nombre de victimes de dénoncer les abus. Cette lecture s’adresse dont à un public très averti car, même moi qui côtoie l’inceste à travers mon travail, j’ai abordé ce roman par bribes, avec le besoin de souffler régulièrement entre les pages. C’est la raison pour laquelle je ne le recommanderait pas, car c’est une lecture à choisir soi-même, en pleine conscience, et surtout pas à imposer aux autres. Cependant Survivre à l’enfer est avant tout un formidable message d’espoir et de résilience. On ne peut être qu’admiratif du parcours de cette personne, surtout quand on constate à quel point, à travers ce récit autobiographique, elle se livre à nous sans aucun filtre. Il me semble alors que chaque phrase écrite est un cadeau qu’elle se fait elle-même, un pas de plus vers l’acceptation et l’avenir. |
Audrey | Il faut qu’on parle de Kevin – Lionel Shriver | Kevin a seize ans. Pourtant, il a déjà commis le pire : il a exécuté neuf personnes dans son lycée. Avec ce roman, Lionel Shriver aborde sans délicatesse deux thèmes délicats : les tueries commises dans les écoles aux États-Unis, un sujet affreusement actuel, et l’amour maternel. Deux thèmes sur lesquels elle écrit avec cruauté, n’épargnant le lecteur à aucun moment. Car la mère de Kevin, Eve, n’aime pas son fils. Elle n’y arrive pas et décrit dans chacune des lettres qu’elle adresse à son mari – Il faut qu’on parle de Kevin est un roman épistolaire – sa relation extrêmement conflictuelle avec son fils. Ce dernier est apathique et froid, et Eve sait, sent dès sa naissance que quelque chose ne va pas et dérange chez lui. Elle s’interroge malgré tout : que s’est-il passé pour que Kevin – et elle-même – en arrive là ? Avec ce livre, je triche sur le sujet. J’ai déjà conseillé ce roman, mais plus maintenant. Le sujet et la façon dont il est mené sont dérangeants, le dénouement, sans pitié. Il faut vraiment avoir le cœur bien accroché pour le finir. Personnellement, j’ai adoré (même si je ne vois plus la maternité de la même façon depuis), mais ceux et celles à qui je l’ai conseillé n’ont pas réussi à terminer le roman. Et vous, le lirez-vous ? |
Carole | Dans le jardin de l’ogre – Leila Slimani |
Quel sujet difficile… J’ai hésité entre deux livres : un polar, Un sur deux de Steeve Mosby, qui m’avait fait faire des cauchemars pendant des semaines, mais qui m’avait tenue en haleine (en bref si tu ne le connais pas, un tueur en série kidnappe un couple et leur demande de choisir lequel il tue et lequel doit rester en vie, le truc affreux…) et Jours barbares de Finnegan que j’ai aimé mais pas adoré car à part le conseiller à un fan de surf qui aime les très très longues descriptions je ne suis pas certaine que de nombreux non initiés apprécient…
J’ai finalement penché pour le livre qui m’a le plus bousculé ces derniers mois : Dans le jardin de l’ogre, de Leila Slimani.
J’ai trouvé ce roman chez une amie en regardant sa bibliothèque. Elle m’avait déjà prêté Chanson douce que j’avais adoré. Mon amie m’a dit « Oui, celui là tu peux le prendre, mais je te préviens, ça dérange, ça bouscule… ». Je n’ai pas été déçue.
Ce roman raconte la vie d’Adèle, une maman parisienne qui a décidé de faire passer un peu à contre cœur sa vie de famille avant sa carrière, qui s’ennuie avec un mari qu’elle aime mais qu’elle ne désire pas, un enfant qu’elle aime mais dont elle ne semble pas prendre plaisir à s’occuper… Mais Adèle n’est pas seulement une femme perdue et triste. Elle souffre d’hypersexualité, qui lui rend la vie complètement impossible. Elle s’enferme dans ses mensonges, elle voit des dizaines, des centaines d’hommes, son addiction au sexe est dévastatrice.
J’ai aimé l’écriture directe de Leila Slimani, mais également pouvoir lire sur ce sujet qui nous éclaire sur cette maladie à travers ce portrait de femme. En revanche, ce n’est pas un roman à conseiller à tout le monde !
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Charlotte | Le choeur des femmes – Martin Winckler |
Jean Atwood évolue depuis sa première année d’étude dans la logique médicale : résoudre rapidement un problème compliqué. Mais le personnage aime comprendre, seulement comprendre puis agir. Il est dénué de toute empathie et se sent d’ailleurs pris au piège lorsque son dernier stage imposé le pousse dans le service gynécologique d’un simple médecin généraliste. Le personnage se rêve chirurgien, il devra écouter les femmes et leurs émotions.
Ce roman m’a bouleversé en tant qu’être humain. Je l’ai lu il y a des années pourtant son souvenir est encore bien imprégné en moi. Je ne le conseille à personne en librairie parce qu’il est dur et regorge de détails sur le milieu médical que nous avons juste envie de fuir après avoir l’avoir lu. Mais aujourd’hui, je vous le conseille à vous pour la formidable claque qu’il va vous mettre. En tant que lecteur vous allez être berné et en tant que personne vous allez être chamboulé !
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Clémence | Blonde – Joyce Carol Oates |
C’est un livre fantastique, une sorte de biographie de Marilyn Monroe, qui mêle éléments réels et de fictions. On ne sait donc jamais si ce que l’on est en train de lire relève de faits ayant existés, ou s’ils sont tout droit sortis de l’imagination de Joyce Carol Oates. D’autant que je connaissais peu la vie de Marilyn, il m’était incapable d’y démêler le vrai du faux.
Je l’ai adoré car le quotidien, les personnages, les lieux, sont si bien décrit que l’on a l’impression d’être un personnage à part entière de ce roman. En revanche, il fait presque 1000 pages, c’est donc une lecture au long cours, que je ne conseillerais pas aux lecteurs compulsifs. J’ai bien mis un mois à le lire, c’est un peu trop à mon goût. Mais il reste tout de même époustouflant…
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Nolwenn | From Notting Hill with Love Actually – Ali McNamara |
« Quel est le livre que vous avez adoré mais que vous ne conseillerez à personne ? » À cette question, j’ai d’abord eu envie de répondre : « Si j’ai adoré un livre, j’ai envie d’en parler, de partager mon coup de cœur ! ». Et après en avoir un peu parlé avec Charlotte qui m’a éclairée sur le sujet, j’ai essayé de trouver un livre que j’aime énormément mais que je n’assume pas vraiment ! Il y a bien les séries 50 Shades et After mais j’ai préféré parler de From Notting Hill with Love Actually d’Ali McNamara. Vous voyez ces films un peu cucu-la-praline qu’on adore regarder mais qu’on n’assume pas toujours (coucou les téléfilms de Noël !) ? Eh bien ce livre, c’est la version littéraire de ces films romantico-cucus-plein-de-bons-
Le pitch ? Typique d’une comédie romantique à l’eau de rose ! « Devenir héroïne de comédie romantique ? Vous en rêviez ? Elle l’a fait. Scarlett rêve de faire de sa vie un de ces films légers et romantiques qu’elle consomme sans modération. Déçue par son existence monotone, elle se demande si elle devrait vraiment épouser son fiancé. C’est alors qu’on lui propose un gardiennage en plein cœur de Notting Hill. […] Sean, son voisin aussi séduisant qu’exaspérant, va venir pimenter son intrigue ». Alors, oui j’adore ce livre et je ne dirais pas que je ne le conseillerais à personne mais juste à celles et ceux un peu (beaucoup) fleur bleue qui cherchent à rêver, à rêvasser et à s’échapper comme devant Love Actually, Dirty Dancing et autres comédies romantiques cultissimes.
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Le thème du prochain club de lecture : « Le roman que l’on aurait aimé avoir lu lorsqu’on était adolescent »
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Génial cet article !!
Quelle bonne question ! Je vais y réfléchir pour peut-être y répondre moi-même.
Un très bel article en tout cas. À très vite.